Pascal disait: "Le moi est haïssable." le Cheval n'est nullement de cette opinion. Il aime ostensiblement son moi, le vénère, le cultive avec assiduité et le défend avec acharnement. Il l'utilise comme étalon pour mesurer la valeur de toute personne et de toute chose. Il ne trouve pas intéressant ce qui n'est pas susceptible de lui profiter, ou dignes d'attention ceux qui ne servent pas ses propres intérêts ou n'exaltent pas son ego.
On a toujours du mal à lui donner des conseils, même avec les meilleures intentions du monde. Plein d'amour-propre, il ne fait confiance qu'à ses propres idées. Il veut tout faire à sa façon et aime faire ce qu'on n'a jamais essayé, détestant les chemins battus et se moquant éperdument de l'opinion des autres. C'est ainsi qu'il a souvent des idées géniales et réalise parfois des exploits éclatants.
Mais le Cheval, méprisant les ornières, ne connaît pas que le succès et la gloire. Enfant, il subit bien des difficultés dues à la méfiance des adultes à son égard. De nombreuses blessures sont aussi la rançon de son envie de tout expérimenter et de tout vérifier par lui-même. Adulte, il s'intègre mal dans son entourage et arrive difficilement à gagner la confiance des autres, précisément parce qu'il refuse d'être et d'agir comme tout le monde. On a raison de le qualifier de non-conformiste.
Si le Cheval n'en fait qu'à sa tête, ce n'est pas parce qu'il est stupide, mais parce qu'il a beaucoup de talent et qu'il en est parfaitement conscient. C'est un polyvalent qui peut réussir brillamment dans bon nombre de domaines.
Mais ce fougueux, qui ne supporte pas de rester assis ou enfermé toute la journée, périrait dans les bureaux ou même dans les secteurs qui ne lui offrent qu'un travail de routine. Il abhorre le travail intellectuel, à moins qu'il ne soit lui-même son patron, c'est-à-dire un travailleur indépendant.
La politique attire le Cheval, car elle lui offre la possibilité de déployer toutes ses énergies. Il lui plaît de manipuler la foule et de la galvaniser avec des discours étincelants qu'il sait rédiger mieux que personne. Il recherche les applaudissements et les vivats, et fait des déclarations fracassantes dans les interviews qu'il accorde à la presse. C'est ainsi qu'il satisfait sa volonté de puissance et de grandeur.
Les affaires sont aussi son terrain de chasse préféré. Guidé par son flair sûr, il sait exactement quand il faut déposer sa mise et quand il doit tirer son épingle du jeu. Les causes de la prospérité d'une entreprise ou celles de la décadence d'une autre n'échappent pas à ses yeux de sorcier. Confiez-lui une affaire en cours de faillite et observez ses réactions. Ou bien il refusera l'offre et vous pourrez être sûr et certain que tout est irrémédiable ; ou bien il acceptera de prendre l'affaire en main et la remettra sur pied en un temps record. Parfois il fait preuve de témérité et réussit exactement là où d'autres ont échoué. Sa devise semble être celle de Danton : "De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace." Ceux qui le connaissent sont toujours émerveillés par ses coups de poker magistraux. Comme il a les mains habiles, il peut être un très bon bricoleur ; les professions artisanales lui conviennent parfaitement.
Mais le Cheval, habile en affaires, est assez maladroit en amour. Quand il aime, il adopte l'un de ces deux comportements. Ou il tient à préserver son ego et alors il n'y aura que des rapports de maître à esclave ou de bourreau à victime ; dans ces conditions, l'harmonie et la bonne entente sont évidemment illusoires. Ou il se laisse complètement investir par l'objet de sa passion et confirme la sentence de Platon : "L'amour est aveugle" ; il est alors capable des pires excès.